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Paris Juillet 2011,

Nana - un film de valerie massadian



Pourquoi un film maintenant?


Parce que! Non, je crois que tout est histoire de tempo, de rythmique comme en musique. J'ai élevé mon fils seule, jeune, un premier film maintenant qu'il est debout, ça me semble cohérent dans ma vie de femme.

À ça s'ajoutent des déclencheurs, des rencontres, des mots, qui font que l'on s'autorise ou que du moins on acquière, à ses propres yeux, une certaine légitimité à faire soi.

J'ai longtemps travaillé avec les autres, avec n'étant pas un mot vain.

Que ce soit en photo ou en cinéma, j'ai toujours eu besoin que ce soit avec, les rares fois ou ça a été "pour" je suis partie très vite.

De ces collaborations, j'ai appris mille choses, j'ai surtout appris ce qui ne m'allait pas dans le cinéma. En tout cas dans le système classique de fabrication que je trouve frustrant, parfois pas très joli humainement, triste, et même violent. Mais surtout absurde, par rapport à l'idée que je pouvais avoir du cinéma. En fait je ne comprenais pas comment on pouvait autant contraindre la vie, le temps et les autres, et prétendre essayer de parler des hommes.

Ensuite sont venus faire écho la vie et le travail de cinéastes qui ont osé, seuls, réfléchir autrement leur métier, refuser ce qui les enfermait, et qui au fil du temps ont fabriqué une autre façon de faire. Je pense à Pedro Costa, dont j'ai souvent écouté les débats. Soudainement j'entendais quelqu'un qui fait ce travail depuis 20 ans, et de très grands films, ouvrir une porte, répondre à ce qui chez moi n'était encore que sentiment, colère,  ou idéal… Aux travers de ces mots, et du travail, il devenait possible de faire du cinéma avec les autres autrement et plus en harmonie avec ce que l'on est soi.

Ça revenait à prendre conscience que je pouvais presque appliquer au cinéma, ce que je connaissais et aimais par dessus tout dans la photographie, c’est à dire prendre l’appareil dans un sac, et de retrouver l’autre à pied, en train, peu importe. Qu’il était possible, au prix de beaucoup de travail, de retrouver cette liberté là.


De quelle manière avez-vous avez travaillé?


En cherchant à chaque endroit à ne pas s'encombrer et à trouver ce qui servirait au mieux le film. Tous les lieux étaient là, tout près de chez moi, forêt, maison, chemin, pré, ferme… Nous avons mis en place une toute petite logistique de matériel, préférant la lumière naturelle, il fallait penser des solutions pour par exemple ne pas torturer le perchman qui n'avait pas de suite prévu que les prises pouvaient durer 28 minutes en plan large…


Le désir était de faire un film avec une enfant, et là encore j'insiste sur le mot avec.

Kelyna qui joue Nana est très jeune, il s'agissait d'arriver à fabriquer un espace de travail, un espace de cinéma qui la laisse le plus libre possible. Que ce soit un terrain de jeu pour elle comme pour nous, un endroit de vie.

Le peu d’argent que nous avions, je voulais qu'il nous achète du temps, nous autorise la patience, fabrique un autre rythme de travail qui se plie plus à la vie, pour pouvoir se permettre de tourner la tête et s'apercevoir que le soleil est en contre dans le chemin, là juste derrière, et décider d'y aller. Ou bien voir que Kelyna, en a marre de jouer sur son canapé et qu'il est temps d'essayer autre chose….

Parce que surtout je tenais à ne rien forcer, ni avec elle, ni les autres, ni les lieux. Mais un travail constant, régulier et quotidien, sans chantage, sans cris, sans hystérie. Trouver sa place sans couper les jonquilles, avoir le temps, quand elle le demandait, d'inverser les rôles, Kelyna à la caméra qui me demande de faire des trucs improbables, et moi qui accepte de jouer...

C'est cette prise de position qui a écrit le film, fabriquer de la fiction et pas autre chose.

Au départ, il y avait un scénario, d'un vingtaine de pages, qui a servi à aller chercher du financement. Du scénario je n'ai gardé qu'un postulat de départ, les premières notes.

Une petite fille qui vit avec sa mère loin de tout, un grand-père qui parle peu mais veille, une disparition. L'enfant se retrouve seule, et doit se débrouiller.



La petite, personnage central de Nana est très jeune…


Oui, Kelyna a 4 ans, enfin 4 ans et demi, il faut être précis parce qu’à cet âge là on compte les jours.

C’est une histoire d’amour avec Kelyna. Quand je l’ai rencontrée, il y avait plein de gens, des enfants qui couraient dans tous les sens, et elle minuscule, par terre en train d’engueuler sa petite soeur qui pleurait, de lui dire “ça sert à rien de pleurer parce que les autres ils te donnent pas plus…” j’étais foutue!

Les enfants sont souvent merveilleux dans les films. Peut-être parce que pour la plupart, d’instinct, font ce que seuls les grands acteurs font, ils écoutent et regardent véritablement celui ou celle qu’ils ont en face d’eux. Ils ne se regardent pas, s’immergent totalement.

Puis souvent vient le ou la réalisatrice, avec son scénario, ses idées, ses dialogues… et c’est à ce moment là que j’ai un problème.

Quand on filme un adulte, professionnel ou pas, il y a un rapport de force égal, une conscience en tout cas, partagée, de ce que l’on donne, prend, triche, cache, peut nous échapper…

Un enfant, n’a pas cette conscience là, et encore moins à 4 ans.

Pour moi il était hors de question de venir imprimer des gestes, des mots, des émotions, les miennes de “réalisatrice” sur Kelyna.

Pour arriver à ça, il nous fallait le temps de s’apprivoiser, se chercher, se provoquer, s’ennuyer, rire, jouer, s’apprendre l’une l’autre, parler, et se taire aussi.

À 4 ans, peu importe d’où l’on vient, on pose des questions essentielles auxquelles la majorité des adultes fréquemment ne répondent pas. Par manque de temps, par pudeur, par connerie aussi. Travailler avec Kelyna, c’était pour moi d’abord lui répondre, ne pas trop enrober les mots, mais tenter de lui donner la réponse la plus juste possible, ne pas cacher mes ignorances, non plus.

La manière dont j'ai pu arriver à filmer le rapport à la mort est venu d’une de nos discussions.

Me demandant où était mon père je lui ai dit qu’il était mort.

- Oui mais il est ou?

- Mort.

- Oui mais ou?

Je lui ai parlé de ce que l’on faisait des morts en fonction des pays et des cultures, des croyances de chacun. Elle était très intéressée. Cendres, tombes, fleuve, esprits, revenants, qui restent dans le coeur de ceux qui les ont aimé…

- D’accord, mais il est où?

Deux semaines plus tard, alors que l’on tournait, elle a lâché sa brouette, et très sérieuse m’a expliqué qu’elle savait où était mon père. Qu’il était dans sa nouvelle maison, très loin dans la forêt, et qu’on ne pouvait pas y aller parce que seules les fées avaient le droit, mais qu’il allait bien.

J’ai trouvé que c’était une très belle idée. C’est un exemple parmi mille autres.



Comment l’avez vous dirigée?


Diriger ? …

J’ai passé beaucoup de temps avec Kelyna, pour elle autant que pour moi.

Il fallait nous apprendre mutuellement. C’est Hervé Guibert qui disait “la photo qu’un autre pourrait faire, qui ne tient pas au rapport particulier que j’ai avec tel ou tel, je ne veux pas la faire”.

Moi, ce n’est pas tant que je ne veuille pas, je crois que je ne saurai pas.

Kelyna devait s'habituer à l'outil braqué sur elle, que l'outil soit une partie de moi, comme une troisième main, parce que j'étais toujours assez proche d'elle. Moi j'avais besoin de pousser plus loin ce que j'avais pressenti.

Je ne crois pas du tout au fait que les gens, enfant ou pas, oublient la caméra complètement, il y a toujours un endroit qui sait, qui fait « pour » ou « contre ».

Kelyna est un petit animal, une petite fille assez frontale, donc je n'étais pas perdue. Nous passions nos journées ensemble, à rentrer du bois au sec, faire du ménage, goûter, dessiner, parler… Moi je filmais, c'était mon travail.

De là, sont venus des jeux inventés par elle, ou par moi, j'apprenais son corps, son énergie, sa "folie", son regard sur les choses, son rapport au temps, et elle faisait pareil avec moi.

Chacune a trouvé sa place vis à vis de l'autre. Ce film ne pouvait exister que grâce à ce "duel", cette danse entre nous. Et bien que Kelyna n'ai que 4 ans, je l'ai toujours considérée et aujourd'hui encore, comme une égale, quelqu'un en face de qui je ne pouvais pas tricher, et ça m'était vital. De toute manière je ne suis pas très douée pour la triche, surtout si quelqu'un m'impressionne, et Kelyna m'impressionne.

La plupart du temps, nous ne partions que d'une situation, d'une question.

"Si tu devais déménager tous tes jouets, tu ferais comment?"

Il y a un lapin qui a été pris au piège, il faut le sortir de là.

Tu m'as vu plein de fois faire le feu, est ce que tu saurais faire toi?

"Lui c'est ton Pappy dans le film".

Pour Kelyna c'était une chose très simple, un jeu, Alain, qui est son grand-père dans le film, devenait Pappy.

Ces frontières là entre “réel” et irréel”, “vrai” et “faux”,  sont très troublantes chez une enfant, et m’intéressaient beaucoup.

Pas besoin de genèse, d’explications psychologiques, mais un moment ensemble, où chaque personne, chaque objet a une vie, un rôle.

Le tout était de préserver cette notion de jeu entre nous, au sens littéral.

À moi de débrouiller entre les regards caméra, et toutes les fois où Kelyna s'arrêtait pour me parler…


Ensuite, dans un deuxième temps, est venue l'équipe, même si là c'est un bien grand mot, mais malgré tout, la crainte était de perdre ce rythme, cette douceur de faire que nous avions acquises, la complicité.

Ça avait des allures de débarquement 5 personnes en plus. Mais chacun a vu les images, entendu les petits mots, tous ont compris qu'il fallait rentrer avec beaucoup de délicatesse dans cette intimité.

Presque tout ce que nous avions vécu/filmé seules, s'est reproduit, complètement autrement dans le film, ce n'était pas la répétition de ce qui s'était passé, mais une variante.

Parfois elle faisait pour moi, parce qu'elle comprenait que si cet objet était là ce n'était pas un hasard, puis elle m'oubliait.

L'âne et le renard quand nous n'étions que toutes les deux, c'était une demie heure d'un jeu de rôles ou Kelyna s'amusait à faire les voix de l'âne, du renard, et la sienne. elle leur faisait prendre le gouter, chaque personnage avait faim, elle les faisait parler "moi je vais prendre un p'tit coup, t'en veux?"…

Dans le film, avec ces mêmes jouets elle a inventé un autre jeu, un autre dialogue.

Et juste après Kelyna me demandait, "Alors c'est quand qu'on le fait le "film" ?



Vous faisiez beaucoup de prises? vous répétiez?


Beaucoup de prises de la même chose, non, mais longues, oui.

Pour tout ce qui était de marcher, descendre un chemin, il nous arrivait de faire plusieurs prises, mais pour les plans avec Kelyna, rarement au final. Parce qu’avec elle, même marcher au bord d’une route, ça devient toute une aventure. 

Répéter c’était briser la magie. Il fallait nourrir l’envie, le désir, le challenge, la curiosité...

La découverte d’un lapin mort par une enfant, et tout ce que ça peut provoquer comme questionnement sourd dans sa tête, ça on ne le refait pas vingt fois. Vous pensez en amont à comment créer l'espace pour que vienne ce moment. C’est une prise de 19 minutes, où l’on respire très doucement, parce que ce qui se passe là, face à la caméra, ce qui vous est offert , est un cadeau. C'est ce temps là que je voulais réussir à filmer, ses petites conquêtes à elle.

Ensuite, il faut décider si on mange ou si on enterre ce lapin. Le cochon nous l’avons mangé, le lièvre, Kelyna voulait l’enterrer. La journée s’est finie par l’enterrement du lapin et une longue discussion.

Et avec les autres acteurs ?


C’était la même chose avec tout le monde. Les adultes avaient un peu plus tendance à se raconter une histoire, mais très peu au final. Avec eux aussi, nous partions d’une situation, d’une chose à faire, occupez le corps et la tête vous laisse tranquille. Faire au lieu de parler, surement aussi parce que je fais plus confiance aux gestes qu' au mots. 

Et puis ils devaient exister en face de Kelyna et des 90 centimètres, ce n’était pas rien!

Quand des mots venaient, on les réduisaient ensemble, ou on rebondissaient sur ce qui s’était dit un autre jour dans une autre situation.

Alain est très protecteur de nature, et en même temps s’il est concentré à faire quelque chose il ne faut pas venir dans ses pattes. Kelyna peut-être envahissante, comme tous les enfants, de là leur rapport dans le film.

Avec Marie, qui joue la mère, le travail a été plus complexe et très différent. Il a fallu construire sur l’impossibilité à être avec, et de malaises en malaises, s’est fabriqué un personnage.


À moi d'essayer de faire de tout cela du cinéma, d’envisager autrement, de penser le soir à ce qui a été fait, à quel chemin ça prend, ou pourrait prendre, à ne pas du tout savoir si ça va quelque part d’ailleurs parfois, mais à creuser.

Ca devient presque mystique comme expérience, parce que l’on avance souvent presque qu’uniquement sur la foi que de ces moments de grâce offerts, on arrivera à fabriquer un film.


Donc c'est un processus en mouvement permanent, la narration se construisant au fil du tournage.


En mouvement oui. La narration… non…

Par exemple, il y avait ce monsieur incroyable, qui devait être le grand-père dans le film. En tête à tête, étaient sorti de très beaux moments.

En tournant la mise à mort du cochon, badaboom. Avec la petite aucun lien, aucun endroit de rencontre. Nous avons continué de filmer toute la fabrication du cochon, et là il y a ce type  Alain que je connaissais à peine qui s’approche de Kelyna, s’accroupit près d’elle, et répond aux questions qu’elle se pose. Je les filme, le casque sur les oreilles, j’entends et vois la simplicité avec laquelle ils sont ensemble. Là encore je suis foutue!

C’était la saison des plantations de maïs, je savais qu’il aurait beaucoup de travail, et peut être que le cinéma pour lui… ?

Nous n’avions ni plan de travail, ni véritable contrainte de lieux, de temps, et Alain a eu très envie d’être avec nous, alors on a glissé le film chez lui aussi, entre son travail au champs et ses bêtes.

Quand des mois plus tard est venue la naissance des bébés cochons, je suis repartie avec un ami au son, prétexte pour le filmer au travail, et faire d’autres plans avec Kelyna.

Comme disait Mae West dans I’m no Angel:  I’m quick in very slow ways!


Pendant le tournage, il y a des "constructions" qui viennent dans la tête le soir, des liens ou des heurts entre une chose faire et une autre, un plan et un autre, un geste qui en amène un autre, un mot qui rebondit ailleurs…

La seule chose qui change par rapport à un tournage classique, c'est la manière de s'y prendre avec l'autre, c'est tout. Ce n'est pas parce que l'on s'impose de laisser la place au vivant que l'on ne fait pas de cinéma. C'est ça pour moi, l'idée absurde qui règne.

Il y a bien plus de fiction dans une petite fille qui éructe presque en délire sur un bout de canapé, que dans la majorité des choses pré-écrite, pré-penser, pré-établies.


Après le véritable film, la fiction, elle se trouve au montage.

Nous avions 50 heures de rushs, de quoi faire, de quoi chercher.

Si narration il y a, je crois que personnellement je préfère le mot chemin, il se trouve au montage.

J’intellectualise assez peu, c’est peut-être un défaut, probablement parce que je suis assez manuelle, j’ai besoin de faire, d’être dedans, d’y mettre les mains pour comprendre.

D’ailleurs je ne crois pas que ce soit un hasard, que ma première confrontation au cinéma se fasse avec une petite fille, il y a quelque chose d’instinctif à faire avec une enfant, comme à travailler là ou je connais la terre, les arbres, la lumière, les pierres, les cochons….

J’aborde les gens, les choses et le monde d’abord physiquement, de façon charnelle, tactile. C’est véritablement ma première façon de comprendre, les mots viennent après chez moi.

Ca ne veut pas dire qu'il n'y a pas de réflexion, ça vient après c’est tout.

De cette même matière par exemple sont nés deux films.

Nana, et ensuite un film court, Ninouche. Deux films autonomes, qui prennent deux chemins différents, pas du tout prévus, ni l’un, ni l’autre.



Il y a un autre personnage dans le film, qui en est aussi la musique, c’est la nature, que vous filmez de façon très particulière?


La première chose que j’ai su en travaillant avec Kelyna c’est la place de la caméra. Je voulais être face à elle, faire sa taille, mettre l'horizon là ou elle le voyait. Cela signifiait être à genoux devant elle, et étrangement si je photographie un arbre, un chemin, une forêt j’ai ce même mouvement de corps, le besoin d’être en bas, tout près, ancrée.

Kelyna est minuscule dans ce monde de nature, les adultes ne sont pas beaucoup plus grands d’ailleurs, il me semble que c'est la juste proportion qu'ils doivent avoir à cet endroit là. Quand Alain et Nana mangent leur sandwich entre les deux trognes, ces arbres qui n’ont plus d’âge, ces racines toutes tordues, qui étaient là avant vous et sera là bien après, ça ne se regarde pas de haut. Ce n'est pas une idée romantique, c'est juste qu'ils m'imposent leur silence.

J’ai grandi en pleine campagne, filmer la terre pour moi ça veut dire en avoir sous les ongles.

Quant à la musique, on me demandait souvent s’il y en aurai. J’ai toujours répondu qu’elle était  déjà là.

La seule autre musique qui me traînait dans la tête était un fredonnement. Il est revenu assez tard, existe au générique de fin.

La musique est bien trop importante.

Si j’en utilise un jour, ce sera parce que quelqu'un en écoute, ou que quelqu’un en joue, ou ce sera seule au creux d’un noir rien que pour elle.

Pour Nana, le vent, les bourdons, les chiens au loin, et les oiseaux, ce sont eux les musiciens.


Il y a dans Nana, un mouvement entre réalisme et conte cruel, un temps en dehors du temps, peut-être aussi accentué par sa durée, le film ne faisant qu'1h08.


Nana passe du monde des hommes à l'intime d'une enfant, du masculin au féminin, d'une mort à une autre, avec au centre une puissance de vie incarnée par Kelyna et l'enfance.

Je n'avais pas la moindre idée du temps que le film ferait, et me suis longtemps cachée derrière cette grande phrase ridicule et prétentieuse "il fera le temps qu'il doit faire".

Mais c'est vrai. Nana est un peu comme les vieux films, simples, secs, ou comme les anciens contes pour enfants. Ce temps c'est sa respiration à lui, le temps de l'enfant qui s'impose.

Pour ce qui est de la cruauté, Nana pourrait avoir de cruel ce qu'un conte d'Andersen peut avoir de cruel, et vous ne connaissez pas les contes arméniens!

Ce mouvement dont vous parlez c'est peut-être parce que le film fait comme les enfants, qui sont là dans le monde bien concentrés, à écouter, regarder, s'acharner à comprendre comment ça marche, comment on fait, et puis qui d'un claquement de doigt disparaissent, ne sont plus du tout là, mais voyagent dans leur tête, se fabriquent des histoires.

J'ai essayé de laisser le plus de place possible à ceux qui étaient là, à ce qui pouvait se tramer entre eux, avec eux, ensuite ils sont devenus personnages, s'est fabriquée la fiction.

Pendant le tournage Kelyna ou Alain se sont raconté une histoire, vous aujourd'hui vous vous en racontez une autre, moi ça varie de jours en jours… et c'est ces possibles là qu'il m'était important d'essayer de protéger. Il fallait vous laisser à vous un petit peu de place aussi.




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Why a film now?


Because! No, I just believe it's all about tempo, rhythm, like music. I raised my son alone, was young, a first film now that he stands on his own seems coherent in my life.

Then it's a matter of mechanisms, encounters, words, which added do that you get some legitimacy, at least to your own eyes, to do yourself.

I've worked with others for a long time, with is a not just a word here.

Whether in photography or cinema, I've always needed it to be with other, the rare times it turned out to be "for", I left.

From all these collaborations, I've learned a thousand things, I mostly learned what wasn't right for me in cinema. At least in the classical system of fabrication, which I find frustrating, sometimes not very pretty humanely, sad, and even violent. But most of all absurd, compare to the idea I could have of cinema. I just couldn't understand how one could force life, time and people, and pretend to try to talk about men.

Then came as an echo to that, the life and work of film-makers, who dared, alone, think their craft differently, refusing what restrained them, and who with time created another path, another way of making. I think of Pedro Costa, who's debate I've listened a lot. Suddenly, I was hearing the words of a man, who's been doing this work for 20 years, great and important films, and it opened a door, answered what in me was only feeling, anger, ideal… Through the words, and the work, it became possible to make cinema with others in a different way and more in harmony with what you are.

Realizing that I could almost apply to cinema what I knew and loved above all in photography, which was putting the camera in a bag, and go meet others, walking, by train, no matter how. That it was possible to find this freedom even if personally it costed way more.



How did you work?


Searching to never be blocked by unnecessary things, finding the best ways for the film.

All the places were there, very close to home, the forest, the house, the field, the farm…

Small equipment, natural light, finding a way for example to not torture the perch-man who hadn't thought that takes could be 28 minutes in large frame…

The desire was to make a film with a child, and there again I insist on the word with.

Kelyna who plays Nana in the film is very young, the whole thing was to create a work space, a cinema space, in which she could be as free as possible. It had to be a playground for her, and for us, a place of life.

The little money we had, I wanted it to buy us time, allow us patience, another rhythm of work bending more towards life, to give us the possibility of turning our heads and noticing that the sun is back-lighting the road in the forest and deciding to go. Or seeing that Kelyna is tired of playing on her couch and that it's time to try something else….

Because mostly I didn't want to force, nor her, the places or anyone else. Just wanted a constant work, a regularity, a daily work, without blackmails, screams or hysteria. Finding our place in between the daffodils, having time to, when she asked, invert the roles, Kelyna behind the camera asking me to do improbable things, and me accepting to play…

It's this choice that wrote the film, built the fiction, and nothing else.


To start with, there was a script, something like 20 pages, that helped us get money. from that script I kept very little, the first statement. A little girl lives with her mother in the middle of nowhere, a grand-father who watches over her from time to time, a disappearance. The child, once alone has to manage.



The little girl, main character of Nana, is very young…


Yes Kelyna is 4, well 4 and a half, you have to be precise because at that age you count the days.

It's a love story with Kelyna. When I met her, there was lots of people, kids running all over, and her, incredibly tiny on the floor, fighting with her crying little sister, saying "it's no use crying, they don't give you more…" I was screwed!

Children are often wonderful in films. Maybe because most of them, instinctively do what great actors do, they truly listen and truly look to whoever is in front of them. They don't watch themselves doing, they just dive into whatever they're doing.

Then comes along the director, with the script, the ideas, the written dialogues… and that's when I have a problem.

When you film an adult, professional or not, there's a balance of power, a consciousness at least, shared, of what you give, take, cheat, hold back, hide, refuse…

A child doesn't have that consciousness, and even less at 4 years old.

Out of the question for me to impose words, gestures, emotions, mine as a "director" on Kelyna.

To manage this, we needed time to know each other, to look into each other, provoke, get bored, laugh, play, learn one another, talk, be silent together.

At 4 years old, no matter where you come from, you ask essential questions, to which most adults frequently don't answer. Lack of time, modesty, shyness, or plain stupidity. to work with Kelyna was first to always answer, not hide that answer in pretty words, but try to give her the fairest one, not hide my ignorance either.

The way I managed to film the relation to death, came from our discussions.

Asking me where my father was, I told her he was dead.

- Yes, but where is he?

- Dead.

- Yes but where is he?

I told her what we do with the dead ones, depending on the country you came form, the culture, each ones belief. She was really interested. Ashes, graves, river, spirits, ghosts, who stay in the hearts of the ones who loved them…

- Ok, but where is he?

Two weeks later, as we were shooting, she dropped her wheelbarrow, and very seriously explained to me where my father was. He was in his new house, very deep into the forest, where only fairies can go, but he was all right.

I thought it was a very beautiful idea. That's an example among thousands.



How did you directed her?


Directed ? …

I've spent o lot of time with Kelyna, for her, as much as for myself.

We had to figure ourselves out. It's Hervé Guibert who said "the picture one can make, that doesn't hold on a very specific link I have with someone, I don't want to make it".

Me, it's not that I don't want, I think I wouldn't know.

Kelyna had to get used to the camera pointed at her, so that the tool was part of me, like a third hand, because I was always very close to her. Me I needed to push further what I first felt.

I don't believe at all the idea that, children or not, you forget the camera completely. there's always a part that knows, an does "for" or "against".

Kelyna is like a small animal, very frontal, so I wasn't lost. We spent days together, pilling wood to dry, cleaning the house, eating cookies, drawing, talking… Me, I filmed, it was my work.

From there came games invented by her, or by me, I learned the way she moved, her energy, her "madness", the way she looked at things, her relation to time, and she did the same with me.

We both found our place with one another. This film could only exist in this "duel", this dans between us. And even if Kelyna is only 4 years old, I've always considered her, and still do, as an equal, someone I couldn't cheat with, and that was vital for me. Anyhow, I'm not very good at cheating, especially with someone who impresses me, and Kelyna does impress me.


Most of the time, we just started with a situation, a question.

"If you had to move all your toys, how would you do it?

"There a rabbit in the trap, can you free him?"

"You saw me plenty of times make fire, do you think you could do it yourself?"

"So, he's your Pappy in the film"

For Kelyna, this was a simple thing, a game, Alain, who her grandfather in the film, becomes Pappy.

These borders between "real" and "unreal", "true" and "false", are very beautiful and interested me as well.

No need of genesis, or psychological explanations, but a moment together, where each one, each object has a life, a role.

The point was to preserve this notion of game between us, in it's literal sense.

It was my problem to managed in between her looks into the camera and overtime she stopped to talk to me.


Then came in a second time, the team, even if here it's a pretty big word, but still, the fear was to loose the rhythm, the softness of making, that we had built, the complicity.

It was a riot, 5 more people! But each saw the images, heard all the little words, and all of them understood that they had to come with a lot of delicacy into this intimacy.

Almost everything we lived/filmed alone together, reproduced itself in a completely different way in the film. It wasn't the repetition of what had happened, but a variation.

Sometimes she made for me, because she understood that if this object was there, it wasn't by accident, then she'd forget about me.

The donkey and the fox, when just the two of us, was half an hour of a role game invented by Kelyna. She gave them all their snack, was making for each one a different voice, made them talk and she would answer "me, I'll a quick drink, do you want one…"

In the film, with these same toys, she invented another game, another dialogue.

And right after would ask me So, when are we making the "film" ?



Did you have a lot of takes, did you rehearse?


A lot of takes of the same thing, no, but long ones, yes.

For everything that had to do with walking, coming down a road, sometimes we had a fews takes, but actually when with Kelyna alone in the shot, very rarely. Because with her, just walking down a road becomes an adventure!

Rehearsing meant breaking the magic. What was needed was to feed the desire, the will, the challenge, the curiosity…

The discovery of a dead rabbit by a child, and all that it can provoke as mute questioning in her head, you don't do that 20 times, you think ahead slowly how to give space to that moment. It turns into a 19 minutes take, where you breathe very quietly, because what happens there, in front of the camera, what is given to you, is a gift.

It's these moments I wanted to try to film, her own little conquests

Then you have to decide whether you'll eat the rabbit or bury him, Kelyna wanted to bury it. So the day ends with the funeral of the rabbit and a long talk.



And with the other actors?


It was the same thing with everybody. Adults could sometimes built a story in their heads, but not so much.  With them also we started from a situation, a thing to do, eke the body busy and the head won't bother you.  Doing instead of talking, probably because I trust gesture more than words.

And they had to deal with being in front of Kelyna and her 90 centimeters, and that wasn't nothing!

When words came, we kept them, reduced them together sometimes, thought about something that was said before on another day, in another situation.

Alain can be extremely protective, but at the same time, when concentrated on doing something you better not bother him. Kelyna can be intrusive, like all children, from there the relation between both of them in the film.

With Marie, who plays the mother, the work was more complex and very different. I had to build on the impossibility of being with, and from that impossibility came a character.

Then it's my job to try to turn all this into cinema, to imagine otherwise, think at night about what's been done, and the path it takes or could take, to sometimes not know at all if it's going somewhere, but to keep on digging.

It almost becomes mystical, as you keep on, and move on, very often, only with the faith that these given moments of grace will construct a film.



So a process in constant motion, the story construction itself along the shooting?


In motion yes. The story…non…

See for example, there was this old man, who was supposed to be the grand father in the film. One to one, beautiful moments came out, and I loved the way he talked, his life, his solitude…

When shooting the death of the pig, badaboom. No link what so ever between Kelyna and him.

We kept on filming the whole fabrication of the pig, and there, comes this guy, Alain, who I barely knew, he comes closer to Kelyna, kneels down, answers each of her questions. I'm filming, the helmet on my head, I can see and hear how simply they're together. Again, I'm screwed!

It was the corn season, I knew he'd have a lot of work, and maybe cinema for him…?

We didn't have any work plan, nor any constraint of time or places, and Alain wanted to be with us, so we drifted the film in between his work in the fields, and his animals.

When months later, came the birth of his baby pigs, I took a trine with a friend doing sound, an excuse to film Alain at work and do more shots with Kelyna.

As Mae West says in I'm no angel, I'm quick in very slow ways!


See, during shooting, there are "constructions" that come to mind at night, links or clashes between one thing done and another, a shot and another, a gesture bringing another one, a word…

The only thing that changes here, compare to the classical making of films , is the way you behave with the one in front of you, next to you, that's all. It's not because you impose to leave enough room for what's alive, that you're not making cinema. that's the absurd ruling idea to me. There's more fiction to me in a little girl raving, almost delirious on her couch, than in the majority of pre-written, pre-thought and pre-established things.


Then the true film, the fiction, comes at the editing table.

We had 50 hours of rushes, enough to make, enough to search.

So if story there is, I personally prefer the word road, you find it when editing.

I don't intellectualize much, might be a defect, probably because I'm quite manual, need to be with, in, put my hands to it to understand.

I don't think it's an accident, that my first confrontation to cinema comes with a little girl, as much as working where I know the land, it's trees, the light, the stones, the piggies…

My first understanding of people or the world is first physical, in a carnal way, tactile. It's truly my first way of understanding, words come after.

It doesn't mean there's no thinking, it comes after that's all.

From this same material of film, came two films.

Nana, and then a short film, Ninouche. Two films taking different path, not planned.



There's another character in the film, which is also it's music, it's nature that you film in a very particular way?


The first thing I knew working with Kelyna, was the place of the camera. I wanted to face her, to be her height, put the horizon where she sees it. This meant being on my knees, and strangely if I take a picture of a tree, a path in the woods, a field, comes this same body position, the need to be low, close, anchored.

Kelyna is so tiny in this world of nature, adults are not much bigger either, it seems to me that this is their right size in this place. When Alain and Nana eat a sandwich, these two ageless trees embracing them, with their crooked roots, that were there long before and will still be there way after, you don't look down on them. It's not a romantic idea, these trees just impose their silence on me.

I grew up in nature, to me filming nature comes to having mud under your nails.

As for the music, a few people kept asking if there was going to be any. I've always answered it was already there. The only other music in my head sometimes was a humming. It came back later, exists at the end of the film.

Music is too important. If I ever use music, it will have to be because someone is listening to it, or playing it, or it will in the warmth a black screen just for her.

For Nana, the wind, the bumble-bees, the dogs afar, and the birds, they're the musicians.



In Nana, there's a movement from realism to a cruel tale, a time out of time, maybe accentuated by the film's length which is an hour and some minutes.


Nana goes from the world of men to the intimacy of a little girl, from masculine to feminine, from one death to another, with in it's center the strength of life Kelyna and childhood.

I had no idea of the length of the film, and hid for a long time behind this ridiculous and pretentious sentence "It'll be the length it haas to be".

But it's true. Nana is a bit like old films, simple, dry, or like ancient children fairy tales.

This time, it's his breathing time, the time of a child imposing itself.


As for cruelty, Nana could be as cruel as an Andersen fairy tale can be cruel, and you have no idea of armenian fairy tales!

That movement you're talking about, maybe it's because the film does what children do? children are there in the world, concentrated, listening, watching, fighting to understand how it works, how it goes, and then in a snap of a finger they're gone, not there at all, traveling in their heads.

I've tried to leave as much room as possible to the one who where there, to what was happening between them, with them, then they became characters, fiction built itself.

While shooting, Kelyna or Alain created their own story in their heads, you today you tell yourself another story, me it changes from one day to another… and it's these possibilities that I thought were important to try to protect in the film. Leave you some room as well.

St Jean de la Forêt, Juillet 2011,



Kelyna,


Tu ne sais pas encore lire, mais tu apprends. Et comme tout ce que tu fais, tu le fais avec rage.

Il s'est passé un peu plus de deux ans depuis que l'on se connaît.

Dans quelques jours tu vas voir Nana, le film que nous avons fait ensemble.

Moi je suis vieille à côté de toi si petite encore, et je n'oublierai jamais rien de ce moment de vie mêlé de cinéma.

Toi, j'aimerais que tu te souviennes de tout, mais sens déjà bien que tu sais l'essentiel.


Ce film, il existe parce que tu vis là où je me sens forte, dans un petit pays où l'on a vite de la terre sous les ongles et où les hommes prennent encore le temps de voir.

Nous avons échangé nos secrets, nous sommes lentement apprivoisées, j'apprenais ton regard, ton corps, le temps qui s'étire entre tes gestes, ta folie, et tu faisais pareil avec moi.

Tourner le film avec toi, c'était comme danser avec toi.

J'avais confiance, toi aussi, tu avais peur parfois, moi aussi.


Tu t'es habituée à la caméra entre mes mains, nous avons passé jour après jour ensemble, à faire le "flim" comme tu dis. À parler des gens qui ne sont plus dans nos vies, à ramasser du bois, se promener entre les trognes, tu sais, ces arbres qui n'ont plus d'âge, aux racines toutes tordues, qui étaient là bien avant nous et seront là longtemps après et que jamais nous ne regardions de haut.

Ta tête la première fois que tu es montée dans cet arbre en forme de main et qui te tenait en l'air…


Mon vieil âne de toutes les couleurs, la petite chaise orange, sont devenus tes jouets à toi. Parfois je filmais, et alors que j'étais tout près de toi, tu m'oubliais.

Parfois je sais que tu faisais exprès pour moi, parfois contre, pour m'emmerder.

Je suis retournée dans la maison des fées comme tu l'appelles, ta maison dans le film. Sans toi, ce n'est pas la même maison.


Je voulais faire un film avec une enfant, et quand je t'ai rencontrée j'ai su qu'avec toi je pourrais, parce que tu me résisterais, qu'en face de toi je ne saurais pas tricher.

Je ne voulais pas que tu dises mes mots, ni que tu fasses mes gestes, mais j'espérais que toi avec le cinéma tu deviennes un personnage, une héroïne de film.

Aujourd'hui il est là le film, même s'il t'arrive encore de me demander quand est-ce qu'on le fait.


On était bien tranquilles toutes les deux, à faire doucement. Mais il fallait une plus grosse caméra en plus de ma petite, et puis il était important d'entendre correctement tous les machins que tu baragouinais, les bourdons qui t'énervaient, les oiseaux qui n'en finissaient plus de chanter.

Alors sont arrivés Léo avec la grosse caméra, Olivier avec tous ses micros et le truc qu'il te collait au ventre et que tu n'aimais pas. Axelle, Solène, Sophie mes amies qui aidaient, et Christiane, ma mère qui nous faisait à manger.

Au début ça t'a mise très en colère, tu m'as engueulée, tu voulais qu'ils s'en aillent, qu'on le fasse comme avant le film, toutes les deux.

Au fil des jours, tu as eu moins peur, et moi aussi d'ailleurs. Le film c'était ton territoire, un endroit où nous avons tout fait pour te laisser le plus de liberté possible. Travailler ça voulait dire s'inventer des jeux, se poser des questions et toujours essayer d'y répondre. Travailler, c'était te regarder t'acharner à faire les choses comme les grands, parce que tu es têtue comme une mule, caresser le lapin, le trouver tour à tour mignon, et puis tout doux et comprendre qu'il est mort.


Souvent tu sais, le soir, je ne savais pas très bien si tout ça fabriquerait un film. Ce que je savais c'est que l'on arrivait à filmer sans forcer ni le temps, ni les choses, et puis surtout pas toi. C'était très important tout ça. Et quand nous arrêtions de respirer, parce que là devant nous s'offraient des petits accidents aux airs de grâce, chaque fois je me disais que oui, peut-être c'était ça le cinéma.

Parce que je rêvais d'en faire de cette manière-là, en vivant.

Ensemble on a vécu et fait ce film, on l'a cherché petit à petit, avec toi, Alain qui est devenu Pappy et Marie ta maman. Le tout bercé par la plus simple des musiques, celle qui nous entourait, madame la nature.


Avec le travail Nana s'est transformé en film, a trouvé son chemin, son histoire, au rythme d'une petite fille et d'un monde qu'on oublie, celui de nos 4 ans.


Notre film, Kelyna, il ressemble aux vieux films, aux anciens contes pour enfants, simples et un peu cruels. Je crois aux films comme aux gestes d'amour, de moi à toi, de toi à moi, de nous aux autres.

Maintenant, il faut l'offrir aux autres et puis rester debout.


Valerie.








St Jean de la Forêt, July 2011,




Kelyna,


You don't know how to read yet, but you're learning. And as everything you do, you do it with rage.

We have known each other for almost two years now.

And now you'll see Nana, the film we made together.

I'm an old lady compared to the little one you are, and I don't want to forget this moment of life tangled in cinema.

As for you, I'd like you to remember everything, but already feel you know the essential.

This film exists because you live in a place where I feel strong, a little country where we easily get earth under our nails and where men still take time to see.

We've exchanged our secrets, slowly go to know each other. I would learn the way you look at things, your body, time stretching in between your gestures, your madness, and you did the same with me.

To make a film with you, was like dancing with you.

I was trustful, so were you, you were afraid sometimes, and I was too.


You got used to the camera in my hands, we spent days after days, doing the "flim" as you say. Talking about the people who aren't in our lives anymore, we picked up wood, walked under the trees, you know these ageless trees with crooked roots, the ones that were there before us and will be here long after, and on which we never looked down.

That face you made the first time you climbed up that hand-shaped tree, holding you up in the air...


My old coloured donkey, the small orange chair, they became your toys.

sometimes I was filming, and even though I was so close to you, you'd forget about me. sometimes you did on purpose for me, sometimes against me, just to piss me off.

I went back to the fairies house as you call it, your house in the film. It's not the same without you.


I wanted to make a film with a child, when I met you I knew I could, because you'd resist me, and with you I wouldn't be able to cheat.

I didn't want you to speak my words, or move my way, all I hoped was that you with cinema could become a character, a film heroine.


Today the film is here, even though you still ask me sometimes when will we start.


We were fine together, doing quietly. But we needed a bigger camera along with my little one, and also I didn't want to miss any of your jabbering shabbangs, nor the bumble-bees that annoyed you, or the ever singing bird in the tree.

So came along Léo with the big camera, Olivier with his mikes and the thing he's tie up to your belly that you hated so. Axelle, Solène, Sophie, my friends who were helping, and Christiane my mother who fed us.


At first it made you really angry, you yelled at me, wanting them to leave so that we could make the film like before, just the two of us.

With time, you were less afraid, and so was I. the film was your territory, a place that we created for you to be as free as possible.

Working meant inventing games, questioning and always try to answer. Working meant watching you fight, stubborn as you are, to do things grown-ups do, or caressing the rabbit, mumbling he's cute and the he's soft, and finally realising that he's dead.


Often at night you see, I didn't know whether all this would make a film. What I knew was that me managed to film without forcing time, or things, and most important you. this above all was important to me. and when we would stop breathing, because in front of us happened small accidents that looked like grace, I thought that maybe yes, this could be cinema, at least the one I had dreamt of, alive.


together we lived and made this film, we looked for it little by little, with you, alain, who became your Pappy and Marie your mother. All this rocked by the simplest music surrounding us, madame nature.


With work, Nana turned into a film, found it's way, it's story, to the rhythm of a little girl and a forgotten world, the dangerous one when we were 4 years old.


Our film Kelyna, looks lie the olds films, or ancient children's tales, simple and a bit cruel. I believe in films like in love gestures, from you to me, from me to you, from us to others.

Now it's time to give it away.


valerie